. . . les réseaux sociaux, nous explique Viner, sont par excellence le lieu de la post‑vérité car ils enferment leurs adhérents dans des « bulles de filtre », ces algorithmes qui ne leur donnent que ce qu’ils ont envie de manger et ne laissent jamais venir à eux quelque idée contrariante, organisant ainsi la végétation dans le même, l’auto‑renforcement de la pensée hors de toute perturbation. Mais on croirait lire là une description de la presse mainstream, qui ne se rend visiblement pas compte qu’elle n’a jamais été elle‑même autre chose qu’une gigantesque bulle de filtre ! . . . la « réalité » comme argument fait pour clôturer toute discussion, c’est‑à‑dire évidemment la négation de toute politique comme possibilité d’une alternative . . .
. . . le peuple obtus continue, lui, de penser qu’il y a encore matière à discuter, et quand toutes les institutions établies de la post‑politique refusent de faire droit à cet élémentaire désir de politique, alors ce peuple est prêt à saisir n’importe quelle proposition, fût‑ce la pire, pourvu qu’elle soit celle d’une différence.
Frédéric Lordon, « Politique post-vérité ou journalisme post-politique ? » dans Les blogs du « Diplo » : La pompe à phynance, 22 novembre 2016 (extr. La Litera información)